Texte critique: Nadine Astruch

Matiériste, expressive, symbolique, organique, la sculpture de Nadine Astruch lui est intimement liée.

Fascinée par des femmes sculpteur comme Camille Claudel et Niki de Saint Phalle, elle n’en subit pas pour autant l’influence.
Ses formes lui appartiennent. Elle les trouve en cherchant à travers l’argile humide, l’émotion, l’intelligence de la main.

« La notion même de matière, est, croyons-nous, étroitement solidaire de la notion de pâte », écrit Bachelard dans L’eau et les Rêves. « La pâte nous semble le schème du matérialisme vraiment intime où la forme est évincée, effacée, dissoute. La pâte pose donc les problèmes du matérialisme sous des formes élémentaires puisqu’elle débarrasse notre intuition du souci des formes. La pâte donne une expérience première de la matière. »
Nadine Astruch suggère, donne de l’impact, réveille le matériau. Ce qu’elle cherche à montrer elle le conçois à l’avance, ses formes arrivent par fragments.

L’artiste les soigne, les arrange, les inspire, les influence mais elle ne peut, ni ne veut réaliser le tout. La partie lui suffi, partie en devenir, la partie contenant en elle ce tout comme une signalisation émotionnelle et préventive. Lorsque l’on ampute la jambe de quelqu’un celui-ci continue à sentir la douleur ; la sculpture de Nadine Astruch fonctionne dans ce registre, elle s’habitue au visible, partie par partie.

Fière d’utiliser le plus ancien des matériaux plastiques, l’argile crue, celle que les Sumériens ont utilisée pour bâtir leurs ziggourats, elle en bâtit son monde libre de toutes contraintes académiques.
En malaxant, en pétrissant, ses gestes lui rappellent ce qu’elle voit, ce qui la touche. La guerre, la femme, le couple, la naissance, mais aussi des pensées métaphysiques avec leurs ombres et leurs chuchotements. Elle rend hommage à la terre, en cherchant à pénétrer ses secrets. Ses femmes girafes abstraites, ou bien le Hiquab qui ne manquent pas d’humour.

À l’argile crue, elle inclue des formes géométriques colorées qui apportent de la gaîté structurant ainsi la matière.
Elle lui ajuste également le zinc, le baccara inventant le côté précieux, parfois sophistiqué dans ses œuvres, sans pour autant leur enlever l’expression.

Elle réalise des pièces allégoriques telle deux têtes superposées, yeux bandés, pour montrer l’incompréhension qui règne entre les gens et qu’elle intitule Babel. Elle façonne Eve à partir de la côte d’Adam, elle raconte des histoires.

L’artiste passe de la figuration à la non-figuration, de la forme lisse, à la forme déchiquetée, de la forme soupçonnée à l’accomplissement d’un visage. Son Don Quichotte semble embarrassé dans ses extraordinaires anecdotes alors que, les yeux fermés, l’enfant semble être plongé dans un rêve profond, un rêve religieux semblable à un Bouddha khmer.

Tout le travail de Nadine Astruch est le fruit d’une sensibilité exacerbée et sa sculpture, une prolongation nécessaire d’elle-même.
Ileana Cornea juin Paris 2013