Texte critique: Virginie Plauchut

Certains photographes regardent la réalité telle qu’elle est. Ils la cadrent, souhaitent la clarté, respectent les contours et la lumière comme au théâtre. D’autres, comme Virginie Plauchut se servent de la réalité pour dire quelque chose d’inédit.

Parfois elle la voile, surexpose le propos. Elle joue avec la lumière comme le peintre avec la couleur. Les clichés qu’elle garde murmurent des confidences.

Dans la série Virtual reality les scènes sont prises directement de l’écran de télévision. La photographe nous livre des association d’idée intimes, annotations visuels floues, messages codés où la réalité est en question au profit du fragment signifiant.

Tout aussi intimement nous parlent les images réunies sous le titre Infiniment plus que tout. Elles sont travaillées, prennent de l’épaisseur et semblent chargées d’une problématique, d’une sophistication intellectuelle qui reste néanmoins poétique.

Le Messager se lit comme une historiette. On peut lui donner un ordre qui a un commencement et une fin :
Dans une ambiance cinématographique rapellant les années 50, un enfant frappe à la porte d’une vieille maison décatie enfouie dans la végétation. Dans le cliché d’après, il se trouve sur une route entre ciel et terre. Il est toujours aussi petit devant les choses. Les nuages chargent, menacent, changent. Des éclaircis modifient le ciel comme une aurore boréale. Il passera dans un village, il sera sur la route. Là ou l’enfant s’arrête devant un lac entre deux arbres sans feuillages, l’atmosphère devient métaphysique comme dans les œuvres de Gaspard Friedrich. La fin est touchante. A-t-il rêvé ? A-t-il attendu pendant tout ce temps accroupi et triste de ne trouver personne pour lui ouvrir ? Que lui est-il arrivé au juste ? Est-ce bien de lui qu’il s’agit dans cette étrange rêverie ? On le voit assis devant la porte close de cette même maison, la tête blottie dans ses bras.

Plus vaporeuse, est la série intitulée Face au ciel… Elle fonctionne par diptyques. Côté gauche les nuages, côté droit, une jeune femme habillée en blanc bouge s’agite et joue. On la croit tombée du ciel, un nuage transformé en femme.

Quand elle n’invente pas des histoires, Virginie Plauchut s’intéresse aux lieux qui eux en racontent. Hôtels, maisons abandonnées, usines en friche, elle photographie les traces d’un monde disparu. Elle s’attache aux détails comme si elle voulait les faire parler. Elle travaille la couleur, l’exagère rendant ainsi à l’image une valeur fantastique. Un vieux fauteuil complètement éventré devient le personnage principal d’une scène apocalyptique et mystérieuse.
Virginie Plauchut semble s’intéresser à tout. Sa série sur le langage des signes ressemble à une partition. Travaillée autour de la couleur et de la géométrie, la série sur les passages rappelle la peinture abstraite construite. Troublante, effrayante la déformation du visage pris de panique, l’angoisse de la mort est expressionniste : Ablutophobie.
Sur un mode humoristique et charmant Chronique montre la femme contemporaine confrontée à une batterie d’instruments chirurgicaux lui servant à entretenir la beauté exigée par le miroir social.
Enfant de son temps, la jeune photographe explore avec sensibilité et humour les images des choses qui l’entoure. Celles qu’elle met en scène racontent son imaginaire poétique.

Ileana Cornea mai 2011