Texte critique: Olivier Toma

Scellées par les limbes d’une écriture sibylline les toiles solaires, les toiles de feu d’Olivier –Tomas apparaissent en pleine action comme au spectacle. À une vision générale et matiériste du tableau, il apporte la vitesse de la calligraphie. Pour l’œil occidental, cette manière d’envisager l’image est déconcertante. Le regard plonge dans la surface peinte de la toile et rencontre les sigles colorés, énigmatiques, nerveux et rapides qu’il n’identifie pas mais qui le fascine. En Chine, la tradition ne fait pas la différence entre la calligraphie, la peinture et la poésie. En Occident on cloisonne tout. Olivier -Toma tente le pari propre à son art : l’association de la peinture à l’écriture et de l’écriture au vécu.
Éclectique, sa calligraphie s’inspire de l’écriture arabe, chinoise, juive et latine. Ses étranges pictogrammes légers comme des éclairs, explosifs comme des grenades ou plombés comme des écussons hantent ses toiles. La spirale revient souvent dans son travail comme un derviche tourneur. Ses écritures dessinent des trajectoires comme celles projetées dans l’espace par les danseurs. Dans son travail le corps est à l’œuvre, l’esprit l’est aussi. Le titre de la plupart de ses œuvres nous informe sur l’intention contemplative de l’artiste face à la vie : « Je te dis, le beau est partout », «A l’ombre d’une vieille âme » ou encore « Cherche un chemin parsemé d’amour et tu le trouvera ». L’écrivain français Noël Arnaud qui s’est beaucoup intéressé aux aventures de l’ écriture raconte une histoire assez extravagante à propos de la relation entre l’écriture, corps vivant et esprit. Il prétend qu’en Chine, pour guérir de certaines maladies on utilisait « le talisman guérisseur » qui n’était autre qu’ une écriture que l’on affichait dans la chambre du malade, ou encore, on la posait un certain temps directement sur la partie malade de son corps. Puis, on brûlait ce fameux talisman et l’on mélangeait ses cendres à un liquide que le patient devait absorber. Pour agir, l’écriture devait être assimilée – au sens physiologique – par le patient. « Les Dieux requièrent de boire leur parole » précise t – il avec humour . (1)
Sans aller aussi loin dans sa pratique picturale, Olivier Toma semble chercher des passerelles entre l’art de la calligraphie, l’équilibre physiologique et la sagesse. Même dans le choix de ses pigments il fait preuve d’un syncrétisme sorcier. Il combine la peinture à base d’œuf, de cacao, de tabac, de poudres volcaniques et de l’encre de chine. Il vernit au curry et au safran pour inviter le spectateur à une fête des sensations olfactives et visuelles. Car si l’on croit en Aristote, l’effet de l’art est cathartique.
Indépendant et audacieux, Olivier –Toma met la peinture au service de l’écriture, l’écriture au service de la sensation, la sensation au service du « sens ».
Ileana Cornea