Texte critique: Clément Billières

Les abstraits lyriques se donnent corps et âme à l’espace de la toile.

Certains restent dans le domaine du sentiment, comme Kandinsky. D’autres entretiennent avec le réel un rapport platonicien. Dans son abstraction, Tal Coat semble se remémorer la terre, ses failles, à travers des réminiscences. Clément Billières les minéraux.
On croirait qu’il casse des gemmes pour voir ce qui se passe à l’intérieur. D’ailleurs, une de ses toiles est intitulée précisément la Naissance du silex. Refait-il le monde ?

Ses révélations évoquent une matière en mouvement où le ciel n’est pas encore le ciel et la terre n’est pas encore la terre. C’est comme s’il nous parlait de la transformation de la matière. Sa peinture prend résolument un triple caractère, à la fois géologique, atmosphérique et ignée.

Une configuration en forme de V revient souvent dans ses oeuvres abstraites. C’est l’endroit de l’entaille, de la séparation. Autour, les éclats cristallins s’éparpillent alors qu’à l’intérieur, il s’est produit comme une explosion originaire : Lumineuse Eclosive.
Le rouge oranger qu’il décline souvent diffuse une atmosphère incandescente. On songe à la lave qui se déverse, au feu sidéral. Seule la Rêverie semble nous transporter dans un paysage d’hiver en montagne. D’étranges géométries jetées sur la matière blanche, bleue et floue nous laissent imaginer des rochers avec leur échine minérale et grise sortant de la neige comme des îlots flottants.

On le soupçonne de décrire des phénomènes physiques qu’il observe à distance : Un cratère vu d’en haut où aucune trace de vie humaine n’est pas encore visible. Équateur en est la promesse.  Une autre œuvre qu’il intitule Oxygène est un quadryptique fonctionnant comme une fenêtre. Dehors, la matière semble changer de forme s’épaissir.
Dans Zénith, un fumigène propage un rouge oranger. La matière fluide s’élève et s’épand. Dans Rencontre, les hachures suggèrent un phénomène fulgurant dirigé vers le bas. Les trais rapides libère l’accumulation d’énergie provoquant une précipitation, une avalanche, une coulée de couleurs sourdes débordant des limites convenues.

Le goût de l’artiste pour la peinture traditionnelle lui vient probablement de son esprit en quête d’exploration, d’observation et de mise à distance.  As-t-il besoin de scruter, de reproduire, et de garder en mémoire les scènes de la vie quotidienne qui ont de l’importance à ses yeux ?
Avec l’hommage à la violoniste Anne-Sophie Mutter, le peintre avoue son amour pour la musique. Dans d’autres toile, sa fascination pour la danse, pour l’équitation, pour la nature.
Les contours comptent.
Il s’attache aux détails, il n’invente pas, il se contente de traduire.

Dans ses toiles abstraites, l’artiste se libère des limites imposées par le dessin à tel point que ses formes caillouteuses semblent plus proches de la nature que n’importe quel dessin réaliste.
Clément Billières nous donne à voir le monde des fluides, des phénomènes atmosphériques, des paysages ignés, l’air et la brume. Curieusement, l’eau n’est pas encore là.
On la retrouve sous la forme d’un lac tranquille, dans une toile sage et figurative qu’il intitule simplement l’Etang. Travaille-il à la création d’une nouvelle planète en se souvenant de celle qu’il connaît déjà ?

Ileana Cornea, décembre 2011