Texte critique: Pascal Stutz

Pascal Stutz : un monde en miniature

Des maisons, des étoiles et des lunes, des arbres et des gouttes de pluie tombés dans l’ univers : Alors toi aussi tu viens du ciel ! De quelle planète est-tu ? demande le petit prince à l’aviateur échoué dans le désert.

Pascal Stutz semble avoir créé un monde pour loger ses rêves. Un monde en miniature.

Les volumes sont circonscrits, les couleurs profondes. Un symbolisme saintexupérien se dégage de ses images où il exprime ses voeux intimes, ses promesses de bonheur : Je savais qu’en dehors des grosses planètes comme la Terre, Jupiter, Mars, Venus, auxquelles on a donné un nom, il y en a d’autres qui sont quelquefois si petites, qu’on a beaucoup de mal à les apercevoir au télescope.

Les astéroïdes ronds de Pascal Stutz ne peuvent contenir qu’une seule maison à la fois. C’est ainsi qu’ils apparaissent dans ses dernières toiles, suspendus à un fil, dans le vaste univers.

Et dans la poétique de l’artiste alsacien presque tous les rêves tiennent à un fil. Une ficelle torsadée prête à se défilocher organisant la fragilité des formes lesquelles, comme les nuages dispersés par le vent peuvent à tout moment changer d’aspect. (Arbres)

Son langage métaphorique ne fait pas appel à la forme humaine. L’être est allusivement visé, assimilé aux éléments de la nature : Dans l’arbre de pluie est mon abri.

Un dessin au lavis de la série intitulée Villages d’ « O » montre un peintre ouvrageant à son chevalet face à une énorme hutte. Il semble détaché du reste du village par un précipice. Son point d’appui, un lopin de terre flottant, on ne sait comment dans le Cosmos. Dans cette série, l’artiste joue avec les taches diluées de la couleur tout comme Victor Hugo. À peine aidées par la main du peintre, les tâches deviennent des paysages, des villages, des ouvertures traversées par les rayons du soleil. J’emprunte à l’humain sa capacité à discerner le merveilleux dans le jour gris, son désir irrépressible de se rêver un abri dit l’artiste. On pense à la boîte fermée où le petit prince voit le mouton auquel il tient tant.

Pascal Stutz utilise l’huile, la gouache, la couleur et le collage.

Il fait cependant preuve de narrateur et de poète car il illustre ses pensées à travers des images dont la symbolique évoque le refuge, cet ailleurs lui permettant de s’évader en soi. Il décline toujours les mêmes formes : la forme réceptacle qui tend à se fermer, s’agrippant comme les vrilles de la jeune vigne, à la vie.

Dans la série des arbres, elle accompagne des géométries en escalier, en enfilade, ou pyramidales.

Mais l’artiste est toujours à la recherche de formes protectrices qu’il laisse échapper dans des volutes. Parfois, les laissant s’agglomérer dans des textures liquides et translucides, dans des gouttes de pluie. Il les explore au fond des huttes rondes et pointues, les perdant dans les « o », le cercle, la métaphore du serpent qui se mord la queue, l’escargot, l’infini dans le fini.

L’écriture fait partie intégrante de son travail comme un murmure graphique. Ses images sortent d’un texte et le texte des images. Parfois le texte est volontairement brouillé et illisible. D’autres fois cursif, impératif aussi, lorsque le mot est construit au pochoir tel le message sur une affiche : Etoile.

Les couleurs forment des nappes chromatiques magiques s’intensifiant ou s’estompant en fonction du sujet. Nous avons bien compris, l’obsession de l’artiste, c’est de construire des abris pour ses rêves.

Ileana Cornea, novembre 2011